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EXPOSITION. UNE RETRAITE A PONT-AUX-DAMES
Du 27/09/2023 au 19/11/2023
En lien avec le spectacle de Christophe Montenez et Jules Sagot, Et si c’étaient eux ?, cette exposition retrace les grandes heures de la maison de retraite dédiée aux artistes fondée par le sociétaire Coquelin aîné en 1903.
« Je veux les voir mes vieux comédiens à cheveux blancs, groupés ensemble dans un asile fleuri, comme les abeilles d’une ruche, avec cette différence que les abeilles travaillent et qu’eux ne feront plus rien. Je veux les voir, sans une buée de mélancolie dans leur maison ensoleillée, bavardant de leur succès d’antan, sous les verts rameaux de leur parc ombreux. Et je veux même qu’ils jouent toujours la comédie, comme passe-temps, pour se distraire, ces vétérans du théâtre. Je leur veux une petite salle de spectacle bien naïve, bien coquette, où, de temps en temps ils donneront une représentation dont les quelques bénéfices viendront aider leurs minces besoins. » (Annuaire de l'Association de secours mutuels des artistes dramatiques, 1902)
C’est en ces termes que s’exprime Constant Coquelin, dit Coquelin aîné, fondateur de la Maison de retraite des artistes de Pont-aux-Dames, premier établissement dédié aux artistes dramatiques trop âgés pour exercer. Que faisait-on des vieux comédiens avant la création de ce louable établissement, un asile qui prend, dans les mots de Coquelin, les allures d’un paradis ?
Des pensions de retraite sont bel et bien attribuées aux comédiens dès la fondation de la Comédie-Française en 1680, mais les autres artistes sont le plus souvent réduits à la misère. À la fin du XIXe siècle, l’un des Comédiens-Français va pourtant mettre à mal ce système de pensions, ledit Coquelin, qui, contre tous les règlements, entend bien faire une concurrence déloyale à l’établissement qui le pensionne en jouant dans d’autres théâtres.
Élu en 1900 Président de l’Association de secours mutuels des artistes dramatiques, Coquelin mettra son énergie au service de la Maison de retraite de Pont-aux-Dames. Dons, tombolas, galas, permettent de rassembler les fonds pour acheter l’ancienne abbaye de Pont-aux-Dames et la rénover pour en faire un bâtiment fonctionnel, habillé dans le style Art nouveau, doté d’une salle de spectacle, d’un théâtre de verdure et de 60 chambres. L’inauguration a lieu en 1905.
Tout comédien qui y entre abandonne sa pension de retraite à l’établissement. Les conditions réglementaires étaient les suivantes : « Le sociétaire doit avoir 60 ans révolus, une bonne condition de santé ou tout du moins ne pas être atteint d’une maladie incurable ou d’une trop lourde infirmité, et doit pouvoir attester d’une vie et de mœurs sans reproches. » La vie s’organisait à Pont-aux-Dames en quasi-autarcie grâce à la ferme, au château d’eau, au potager mais aussi aux dons des grands magasins parisiens et des notables des environs.
Coquelin meurt subitement en 1909 et reçoit des obsèques nationales. Il est enterré à Pont-aux-Dames, sa tombe porte l’épitaphe de Rostand prononcée lors de la cérémonie : « Qu’il dorme dans ce beau jardin, ses vieux comédiens le gardent ».
Soldant ses comptes avec Coquelin après sa mort, la Comédie contribue également au financement de Pont-aux-Dames qui bénéficie aux autres professionnels du spectacle par des galas, deux bals en 1932 et 1934, ainsi que l’institution du « Sabot de Noël », collecte effectuée auprès des spectateurs pendant la semaine de Noël.
Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française, mai 2023
Exposition présentée au Théâtre du Vieux-Colombier du 27 septembre au 19 novembre 2023.